lundi 24 janvier 2011

Un party, deux visions...

Lui :

La fête laisse parfois un goût amer.
Les souvenirs émergent, lentement, se frayant un chemin dans le brouillard mental ponctué par des élancements douloureux. Chaque battement de cœur pompe du sang qui s’engouffre et irrigue le cerveau comme un énorme troupeau de bison dévale une prairie, saccageant l’herbe, piétinant tout sur son passage, laissant un vague bourdonnement qui l’empêche de voir clair.
La vision trouble, l’air peine à se laisser respirer.
Le temps est lourd.
Comme l’existence.
Elle cherche son cellulaire.
Il sonne dans une poche, mais laquelle?
Elle se bât, eh merde! Elle l’attrape enfin. Elle a manqué l’appel.
Elle rage, voudrait lancer ce gobe-sous sur le mur, mais c’est aussi l’accès à tout son univers. Sa clé existentielle. Comme si, sans téléphone, ses amis disparaitraient à tous jamais.
C’est X… Synonyme de party, de plaisirs, d’interdits.
Les effluves soufrés qui émanent de ce nom sont aussi un gage de trouble. Elle se rappelle tout ce que cela a pu lui coûter. Ses relations, ses jobs, sa vie.
Mais tout cela devient abstrait, futile. Party… PARTYYY!!!!
Pourquoi résister.
À quoi bon assumer quoi que ce soit. Demain, elle fera le ménage et commencera à faire ce qu’il faut. Mais ce soir, ça peut attendre, encore.
L’armoire à glace qui filtre les indésirables la laisse entrer sur le site de cet énorme rave.
Elle est plutôt jolie, même si les filles, à son âge, ne sont pas encore sujettes aux attaques de la vieillesse, totalement indemnes, sans cicatrices  de la vie.
Le personnel de la sécurité est toujours sympathique avec elle.
Ca lui fait changement de ses parents. Ca lui fera des vacances. Elle rigole.
Ca pétille dans sa tête. Des bulles de plaisirs. Elle sait qu’elle est à sa place, enfin.
X  n’est jamais loin. Ses autres amis non plus.
Ils sont un noyau nucléaire sans attaches autres que le plaisir.
Ils donnent plusieurs noms au sens de leur vie;
Débauche, délire, liberté, émancipation, révolte, droit absolu, respect de soi!
Ils y ont droit.
Ils ne savent pas pourquoi, mais c’est comme ça!
Nom de dieu! Pourquoi s’échiner pour rien. Payer des taxes, travailler comme des bêtes pour crever sans avoir vécu?
Et se poser des questions…. Le voile se lève à nouveau. X lui propose une autre pilule. L’odeur du cannabis est intense, insistant.
« Ça passe encore mieux avec une pof là »… X a toujours un merveilleux sourire. Les yeux un peu rougies. Il a tout pour lui celui-là. Il voudrait bien qu’elle couche avec lui, mais il a une nouvelle copine presque tout les soirs.
Elle croit à l’amour final.
Le hit, la totale. Le mec qui saura faire s’arrêter le temps. Celui pour qui elle fera tout ce qu’il faut.
Ses pieds sont tellement lourds.
Elle boit encore un peu plus. C’est dégueulasse, trop sucré… Mais ça déménage, et ça lui donnera un peu d’énergie pour danser. Elle rit. Ses amis l’entrainent plus loin, dans la foule et la musique qui déchire l’air.
Les danseurs sont partout, elle suit le rythme qui fluctue. Les lumières colorées l’emplissent de joie et elle tente des les saisir au passage… Des rayons fabuleux qui la mèneront vers le bonheur. Elle se fatigue bien vite de ce petit jeu.
Difficile d’échanger avec les autres. Le son entre dans sa bouche, empêche sa voix d’en sortir.
Elle voudrait tant de choses, mais le temps file toujours si vite.
Elle voudrait…
Les questions se bousculent, et s’enfuient. Elle est libérée par sa soif de plaisir.
Elle est à sa place, fusionnée, onde d’énergie, de chaleur et d’amour. Elle ne sait plus vraiment d’où elle vient.
Le sol tangue… Elle ne tient plus vraiment et s’accroche, se laisse voguer dans la foule.
Puis il fait noir.
Elle se sent malade.
Ses parents vont encore l’engueuler… Elle les voit déjà, les bras croisés, la jugeant.
Ils ne comprennent rien.
Ils ne peuvent pas comprendre.
Elle se retrouve sur une civière. Son amie lui tient la main et dit…. Elle dit n’importe quoi.
Mais elle est là. Elle suit les ambulanciers en riant. Incohérente, mais tellement rigolote.
Elle l’aime, entre deux instants de présence. Elle angoisse un peu. Son corps est une fermeture éclair qui s’ouvre vers l’infinie…..
Elle n’a plus un sous. Elle a claqué sa paye.
Il faudrait vraiment qu’elle s’invente une nouvelle vie.
Demain… peut-être.






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Elle :

Au centre de la foule.
Au centre du monde.
Les yeux fermés.
Se laisser bercer.
Être seule, mais être touchée partout.
Par tous.
Se laisser aller.
Sentir son cœur battre au rythme du Dj, avoir chaud, rire et pleurer tout à la fois.
Festive dans tous les pores de sa peau, elle délire sa joie de vivre.
Elle délire la joie qu’elle s’applique à mesurer.
Elle est vivante.
VIVANTE.
Il fait froid, c’est l’hiver dans ce qu’il a de plus intense, mais la musique est entraînante, la lumière hallucinante.  Elle est heureuse d’être là.
En sécurité. Dans la foule, mais pour la fête, pas pour la contestation. Dans la foule pour partager un moment de joie, pas pour pleurer les disparus…
Au centre de l’espace, les sons vibrent, résonnent, les gens rient, chantent, sautent et festoient  ensemble. En chœur.
Elle a eu sa mère et son père au téléphone, plus tôt dans la journée.
Vivants eux aussi, tout comme son frère et sa cousine!
Ô joie!
Elle danse la vie qui revient doucement dans le cœur des siens, au loin là bas.
Là où le soleil a la saveur  du jasmin.
Là où la terre sent  les dattes mûres.
Seule au milieu de la foule, bercée par la cadence, éblouie par les lumières intenses.
Elle sent la neige sous ses pieds, sa tuque cache bien ses oreilles et elle a le bout du nez froid.
Et elle sourit, en pleurant un peu…
Elle est heureuse et vivante.
Oui!
VIVANTE!
Et les siens aussi!

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