dimanche 26 septembre 2010

En clair obscur

Elle :
J’aimerais avoir la foi.
Une vraie, pas une de celle qui vient lors des mauvais moments à passer.
Petite, j’allais à l’église le matin avant d’aller à l’école et j’espérais être complètement chavirée par un appel de Dieu.
Je viens d’une culture religieuse mixte. La semaine, catholique et la fin de semaine protestante. J’aimais les rites chez les catholiques. La répétition comme un mantra des prières, des codes précis où on ne peut se tromper.  Chez les protestants, j’aimais la communauté, le fait qu’il y avait beaucoup d’enfants, l’école du dimanche. Et les chants ! Chanter à l’unisson des prières, des odes à Dieu. Juste d’y penser me donne le sourire.
J’ai aimé avoir la foi. J’aimais cette idée que Dieu m’avait choisi, je me sentais privilégiée d’être de sa famille. Je priais le soir et le matin et le midi aussi. J’avais cette idée qu’il fallait que je sois dans les rangs de Dieu pour être sauvée. J’avais compris la notion chez les protestants où l’on doit accepter Dieu dans son cœur pour l’être. Chez les protestants, personne ne le choisit pour nous à la naissance. C’est un choix éclairé que l’on fait dans un cheminement d’éducation religieuse. J’aimais cette idée de pouvoir avoir le choix.
Je continuais tout de même à fréquenter les catholiques, car il y avait là tant de beautés dans les lieux de culte. Et les odeurs d’encens et la chaleur des cierges. Je me sentais coupable tout de même de regarder toutes ses statues (interdites chez les protestants) et de voir tous ces gens à genoux devant des saints (qui n’existent pas non plus chez les protestants…). La culpabilité ne m’empêchait tout de même pas de magasiner dans l’une et l’autre de ces branches chrétiennes. Je prenais ce qui me plaisait chez l’une et ce qui me plaisait chez l’autre et m’inventait une croyance bien à moi, à l’image de mon identité un peu décousue, de fille déracinée. Je m’inventais une religion aux branches multiples.  
J’ai aimé avoir la foi, mais je l’ai perdu. Je suppose que ça s’est fait graduellement, au fil des lectures, de mes réflexions aussi. Je l’ai perdu comme on perd ses clés. Je l’ai cherché un peu au début et ensuite, voyant que je ne la retrouvais pas, eh bien j’ai abandonné la recherche. J’ai perdu la foi dans un acte de révolte. Dans un moment où la plupart des gens se tournent vers Dieu et demandent des comptes, le pourquoi du comment. Moi j’ai senti au plus profond de moi que si Dieu existait, il ne permettrait pas que des gens se tuent aussi jeunes, par désespoir.
J’ai perdu la foi, dans un geste d’éclat, lors d’un chant (moi qui aime tant les chants…) d’anniversaire, chanté à mon amie I., morte par pendaison, morte par choix. Un chant d’anniversaire, car ses funérailles se sont déroulées la semaine de ses 18 ans. Entendre et voir tous ces gens dans une seule voix lui souhaiter bonne fête (!!!!), m’a scié les jambes, a enlevé l’idée de Dieu dans mon âme, dans mon cœur. J’ai été révolté de voir ce guide spirituel nous faire chanter un chant si vivant, pour mon amie qui était si morte.
Je me suis levée, j’ai marché vers les deux immenses portes, par l’allée centrale, j’ai regardé bien devant moi et je suis sortie. Les portes ont claquées. Dans mon souvenir c’est comme si le bruit était assourdissant. Mais je suppose que c’est mon cœur qui battait de façon assourdissante, mon cœur qui faisait tout ce bruit à l’intérieur de moi. J’ai quitté Dieu en claquant la porte. Je me suis assise sur les escaliers du perron de l’église, tout près de mon prof préféré, mon mentor, mon guide de vie de l’époque. Il m’a regardé, m’a dit simplement quelque chose du genre : « C’est assez hein ? »… « Oui, c’est assez… » Et on est partis.
J’ai quitté Dieu en claquant la porte et depuis j’aimerais avoir la foi.
Je garde de cette époque, la fascination des rituels, l’amour des cierges allumés et des odeurs d’encens. J’ai cette curiosité de la foi des autres et je suis intéressée toujours, d’en savoir plus. Je photographie les églises, comme d’autre le font de leurs amis. Car je crois que ces lieux sont pour moi encore aujourd’hui, des lieux de paix, de calme et de réflexion.
Un jour j’ai claqué les portes sur ma foi, mais pas sur la beauté que la foi a engendrée dans le monde.
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Lui :
Les nuages peuvent être violents, dramatiques, mais aussi légers, voir vaporeux.
Parfois, ils enveloppent l’environnement et transforment notre monde, le rendent propice à l’apparition des chimères.
Marcher en altitude devient une aventure, favorise l’introspection.
Ces volutes blanches qui caressent les cimes, comme des amants qui se retrouvent enfin et s’étreignent avec le troublant désir de ne plus jamais se séparer.
Cette magie puissante qui fouette l’imagination. Ce plaisir qu’on a, en avion, d’enfin voir les nuages de proche, et cette envie de pouvoir les toucher, comme s’ils étaient palpables et doux.
Évidemment, il était prévisible que le clergé récupère cette impression pour décrire le paradis, perché dans le ciel, hors d’atteinte si ce n’est que dans la félicité et la mort.
On ne revient pas du paradis.
Comme on ne revient pas de l’amour.
À moins que le paradis devienne un enfer.
Lesquels n’existent pas l’un sans l’autre.
Cet équilibre troublant, démontrant que la vie n’existe pas sans la mort, que la lumière n’existe pas sans obscurité.
Cette croix, un peu orgueilleuse, qui ne daigne pas toucher le ciel, qui se garde chaste de ne pas l’effleurer, peut-être dans la crainte d’y succomber.
Cette image plus spirituelle que charnelle, qui me désole dans sa retenue. Je la trouve contre nature. Elle me trouble, car je la trouve belle aussi.
C’est un clair obscur.
C’est la piété inondée de lumière, sur fond de néant. Au-delà, point de salut.
Pourtant…
Les hommes qui ont érigés ces monuments étaient souvent bien pauvres. Le pouvoir religieux ayant commandés pareilles réalisations se couvrait d’or à même leurs poches et leur sueur.
L’église commande l’humilité.
Le peuple est le réel pouvoir, mais se laisse gouverner par le roi.
Il n’y a pas de logique sans absurdité…

dimanche 19 septembre 2010

Destriers

Elle :
Petite fille elle lisait des romans à l’eau de rose. La dame chez qui elle habitait en faisait la lecture compulsive. Des piles tout autour du fauteuil en tissus jaune doré. Elle n’avait qu’à passer par là, en prendre un en dessous de la pile et elle partait se cacher dehors, au parc ou dans sa chambre et elle aussi se perdait au fil des chapitres dans ces histoires rocambolesques, chevaleresques et romantiques. Elle ne comprenait pas encore trop pourquoi les dames étaient attirées par ces hommes autoritaires et souvent un peu brutes (mais au fond si tendres…), mais elle savait qu’après les disputes et les tensions venait les baisers enflammés. Et dans les livres à couvertures rouges, après les baisers venait l’amour. Venaient les chemises qui se déchiraient par la force de la passion et du désir de l’homme qui sent si bon, qui est si viril! Ensuite venaient les gémissements de la belle… À ce moment, elle était souvent contre un arbre, ou sous un saule près d’une rivière… Il faut ajouter à cette « éducation » amoureuse et sensuelle de la petite, tous les films de Walt Disney, où le prince charmant arrive au bon moment pour venir sauver la princesse d’une mort certaine, sinon d’un très long exil ou d’une horrible belle mère!
Dans tous ces récits épiques et amoureux se trouvait un élément commun. L’amour des chevaux. Les ballades en chevaux. Une ballade à cheval c’est tellement romantique. Et quoi de mieux dans les romans à l’eau de rose, que le romantisme à l’état pur ?? Et dites-moi, quel est le cheval idéal pour accueillir les fesses princières et charmantes ? Un destrier blanc, bien sûr ! La petite fille ne connaissait encore rien de l’amour, elle essayait bien de comprendre comment embrasser...  Elle se pratiquait avec sa bouche et ses lèvres sur son bras, le soir en se couchant. Elle se demandait, ce que la langue pouvait bien faire dans les baisers… Elle se sentait si seule parmi ces gens, à qui elle ne pouvait pas poser toutes les questions essentielles à l’amoureuse qu’elle voulait un jour devenir ! Car il n’y avait aucun doute, un jour il viendrait le prince charmant, il viendrait la chercher dans cette famille qui n’était la sienne que parce que l’état payait sa pension. Il viendrait certainement la prendre, l’amener sous un arbre et lui, lui enfin l’aimerait, longtemps, toujours ! Il la prendrait alors dans ses bras, l’embrasserait tendrement contre un arbre… Et lui arracherait la chemise…  La suite, elle ne la saisissait pas très bien, mais tout ça avait l’air complètement excitant, rassurant même !
La petite est devenue adulte, bien après les tumultes de l’adolescence… Des amours littéraires avec un correspondant vachement attirant, des baisers volés ici et là avec des amourettes, rien de bien enlevant, de trop déstabilisant. Elle est devenue femme et a continué de rêver à des amours enivrants, qui décoiffent, qui frissonnent et qui font battre le cœur plus vite. Elle s’en veut toujours un peu, car elle regarde l’homme qu’elle a choisi, le père de ses enfants… Elle n’est pas tellement heureuse dans ses bras, mais pas totalement malheureuse non plus. Elle sait qu’il en est de même pour lui aussi. Elle sait qu’elle ne frissonnera jamais sous un saule, près d’une rivière avec celui-là, mais elle sait que si elle le désire, il sera là toujours, stable, amical. Elle en arrive à blâmer ses lectures de jeunesse ! Depuis si longtemps qu’elle rêve à ces chimères qui n’existent que dans les films. Mais cette pensée existe en elle depuis si longtemps, cette idée d’amour plus fort, plus puissant germe en elle depuis qu’elle est si petite… Elle reste persuadée, même si c’est déraisonnable, qu’elle peut elle aussi être décoiffée contre un arbre, la chemise déboutonnée à la hâte des désirs qui montent et montent si vite que les boutons peuvent ne pas tenir la route…  Pour y parvenir elle doit faire cette place dans son cœur, elle doit prendre le chemin des esseulées, choisir la voie de la passion, plutôt que celui de la raison…. Elle y marche, y sautille, y coure sur ce chemin passionnel. Elle refait connaissance avec celle qui se pratiquait aux baisers, cette petite fougueuse, cette amoureuse, cette passionnée ! Sur ce chemin, elle y pleure plus que dans les romans de sa jeunesse, s’y sent plus seule aussi. Moins désirable, moins désirée que les héroïnes de roman.   Jusqu’au jour où… Où elle croise sur sa route, un homme, un plus grand que nature, fort et pourtant si fragile aussi, un homme qui sait voir les chevaux qui croisent sa route. Un qui est capable de les voir, mais aussi de partager cette vision avec elle. Elle sait qu’avec lui, les chevaux et les saules pleureurs entendront ses rires, ses soupirs et ses désirs battre contre sa poitrine.
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Lui :
Je roule, j’avale le bitume qui se déroule sous le camion. Je jongle aussi, perdu dans mes pensées, abruti par le millage qui s’accumule.   Saisir le moment!
Mais comment? Briser la routine qui s’agglutine comme une plaque de cholestérol dans mes vaisseaux, risquant de tout bloquer, d’empêcher la raison de vivre d’alimenter mon âme. La vie peut parfois être si lourde… L’envie de faire des folies, s’ébrouer, se secouer, comme un chien secoue son pelage mouillée… Je ne sais pas, tout briser? Brasser l’arbre pour en faire tomber les pommes, déclencher une révolution? Et mon travail? Les responsabilités…
Se sentir étouffé par les tâches, les engagements, les promesses. Se dire que c’est assez… Tout arrêter, faire demi-tour, se retenir de ne pas lancer le camion dans le terre-plein. Tout foutre en l’air pour… Pourquoi? Pour quoi?
Je déteste la sensation de vertige, quand rien ne va plus.
Mais j’exècre encore plus de me sentir coincé dans une position intenable.
Un crachin vient mourir sur mon pare brise, balayé par les essuies glaces. Si seulement la vie était aussi simple. Ce besoin immense d’un signe…  La montagne défile, au loin, derrière les prés. Les nuages, lourds de secrets, glissent lascivement le long des collines et des versants, cachant  pudiquement leurs ébats sur les sommets. J’ai encore tant à faire… Des inspections, des appels, des clients qui beuglent leur mécontentement. Soudainement, une vision furtive, un petit moment de bonheur, qui puise dans les souvenirs. Ces chevaux, dont les grands yeux noirs ont cette façon de se connecter sur l’âme. Cette nonchalance, cette désinvolture qui leur donne cette noblesse. Pouvoir leur dire « je t’aime » avec une simple offrande d’herbes grasses et appétissantes.
Je n’ai pas le temps de m’arrêter… Je dois être à St-Hilaire dans trente minutes.
Eh merde! Pourquoi pas? Un peu de folie… Ca semble si lointain?
C’est pourtant ce qui m’a toujours caractérisé… Cette facilité de mettre un peu de magie dans ces petits instants fugaces. Semer un peu de bonheur dans la vie des autres, et la mienne… Allez, je fais un virage illégal et repars sur les chapeaux de roue… Je les ai croisés il y a bien une dizaine de minutes. J’immobilise le camion à moitié sur la voie d’accotement, l’autre moitié dans l’herbe haute, au risque de m’enliser. J’ouvre la porte, et le temps pluvieux s’engouffre dans la cabine. Mon pied s’enfonce dans la boue, avec ce bruit de succion désagréable qui cherche à vous retenir… L’air frais me grise, me ranime. Ils sont là, derrière une clôture, à une vingtaine de mètres. Je traverse le ruisseau, les bottes détrempées. Je m’en fou. J’ai besoin de les toucher, de sentir qu’ils m’acceptent.
Juste pour décrocher. Ne plus penser. Juste être avec eux.
Le chef est un énorme cheval brun… S’il vient me voir, les autres suivront. Si j’étais chevalier, c’est ce cheval qu’il me faudrait. Un noble destrier, un cheval de bataille qui m’aiderait à me frayer un chemin au travers des rangs ennemis, à pourfendre les idées absurdes, la bureaucratie, la bêtise humaine… Je me sens l’âme d’un mustang, sauvage, fougueux… Mais dompté. Brisé. Viens!
Viens à moi… Je t’appelle. Viens mettre un baume sur mon existence pathétique. Consolons nous, comme deux frères… Laisses mes yeux plonger dans les tiens, me ressourcer dans ton essence. Aide-moi à chevaucher, à faire une incursion dans mon psyché, à investiguer mon état délabré, mon mal à l’âme incompréhensible. Le voilà qui s’avance, curieux, protecteur. Les autres restent en retrait. Je lui tends ma main et mon cœur. Il dépose le bout du nez dans ma paume ouverte. Je ne sais pas… Je ne sais plus, mais je pense avoir versé une larme. J’aurais pleuré de reconnaissance. Comme un miracle, pour moi, l’esseulé, je vois les autres s’approcher. Ils viennent, tous, me voir, me sentir. La joie déferle dans mes veines. Le temps s’arrête. Et vite, je croque quelques photos. Je resterais là, à les caresser.  J’aimerais leur dire merci… Mais je crois qu’ils savent. Ils ont compris, bien avant moi. À contrecœur, je dois retourner  vers le camion. Il y a cette femme… Autrefois petite fille. Dont l’enfance n’est toujours pas guérie.  Je vais lui envoyer mes photos. Il n’y a qu’elle pour me comprendre. La vie est tellement plus agréable à ses côtés. Mais j’ai peur de l’étouffer avec mes problèmes existentiels… Qu’à cela ne tienne, elle saura apprécier ce moment furtif. J’ai envie de le partager avec elle. Destrier… Canasson, étalon… Canaille, joyeux luron. Je me sens ruer… Ras le bol des enclos.
Merci, mes frères!  Je dois partir au galop, j’ai une princesse à sauver. Mon armure est rouillée, mais elle en a vue d’autres. Ce n’est pas une armure d’apparat, mais une armure de campagne.
Je mets le chauffage dans l’habitacle, pour chasser l’humidité qui s’infiltre sous la peau. Quelle belle journée. Je retrouve mes esprits. J’ai une bataille à livrer. Le camion repart, fendant les flaques d’eau.
Je suis heureux.

samedi 11 septembre 2010

La porte


Elle :
Voilà la porte est maintenant fermée.


Pour toujours elle va ressentir le manque de lui.


Mais pourquoi donc faut-il jeter des poignées de terre sur les tombes ?
Parce qu’elle ne souhaitait rien lancer du tout, pas même des fleurs, qu’elle ne voulait pas voir tourbillonner dans sa tête les images et les sons qui sont reliés à ce rite funéraire, elle a fait construire un caveau.
Comme une maison. Avec une porte en fer. Une porte qui, avec le temps, pourra s’enorgueillir de patine. Un peu de rouille ici, un peu de vert de gris là. Ils aimaient tant regarder l’usure sur les choses. Ils en étaient fascinés. Trouvant de la beauté, là où la plupart trouvait à redire.
Elle sait que de cet endroit elle peut en faire quelque chose de chaleureux, de sauvage aussi. Elle y mettra des plantes, des fleurs aussi. Elle en fera un endroit qui la ramène à lui.


Elle se doute qu’elle viendra s’y assoir, lire près de lui.



Il est mort.
Trois mots.
Trois syllabes.
Trois mots et un point.
Ça aurait pu être un point d’exclamation, mais elle n’a plus la force de s’exclamer, juste la force d’un tout petit point, un point de fin de phrase. Comme un soupir.
Il est mort.
Quel vide immense !
Quel trou béant tout au centre de son corps, de son cœur.
Il est mort, il est mort, il est mort. Une litanie dans ces mots, elle essaie d’en enlever le sens en les répétant ad nauséam, comme un mantra.
Mais le sens reste, intact.
Il est mort.



Elle n’arrive pas à verrouiller la porte à clé. On lui explique bien tranquillement, comme à une enfant, combien important ce serait, mais elle ne s’y résout pas, elle ne souhaite pas d’entrave entre elle et lui. Et si le « repos éternel » n’existait pas. Si les morts pouvaient choisir de « partir » ou rester parmi les vivants ?
Si ce choix existe, elle sait alors qu’il viendra l’aimer encore et longtemps, qu’il la regardera pendant son sommeil, qu’il lui chuchotera des mots doux dans l’oreille.
Elle se moque d’elle-même. Que la porte soit verrouillée ou pas, il viendra. Mais c’est comme un message qu’elle veut laisser, un code :
« Tu peux sortir, tu n’es pas enfermé là pour l’éternité. Va. Explore comme tu aimais tant le faire vivant. Et raconte-moi tout. Tu racontes si bien. »
Ces pensées l’apaisent bien plus que les sourires contrits et les accolades d’usages.

Il est mort, il est mort, il est mort



Comme ils arriveraient à en rire ensemble. Ils avaient surmontés bien des tempêtes en riant. Leurs mains soudées et leurs rires sonores face à cette vie qui n’offre pas toujours des choix faciles et des qui présente bien plus souvent des chemins sinueux, que droits et clairs.
Il lui manque tellement lors du choix des fleurs, des mots à dire pendant la cérémonie.
Elle a beau être certaine qu’il voudrait qu’on rie, qu’on danse et qu’on cite des vers grivois.
Comment faire tout ça, s’il n’est pas là ??

Plusieurs années on passées.
Au début, cette porte en fer l’a soutenue, quand elle est venue s’y appuyer pour lire, pleurer, crier….
Puis peu à peu… ses visites sont devenues plus festives, moins assidues aussi.
La peine a fait place au plaisir des souvenirs.
Puis.
La vie étant toujours la plus forte, a permis à la guérison de faire son œuvre, remplie de tout l’amour qu’elle avait reçu de lui, elle a continué sa route, plus forte, plus vivante que jamais.
Venant de temps en temps lui partager sa vie, venant s’assoir, planter de nouvelles fleurs, lui présenter son nouvel amour aussi. Elle savait qu’il apprécierait la voir heureuse
Il y a longtemps maintenant qu’elle est morte. Longtemps qu’elle a rejoint le pays d’où on ne sort que par les souvenirs des gens qui nous aiment.
Et c’est moi, sa petite fille qui vient ici de moins en moins souvent, mais qui garde intact tout près de mon cœur le souvenir de la femme amoureuse qu’elle a été de mon grand-père. Qui regarde cette porte patinée de rouille, de vert de gris et qui sourit de la grande force de la vie qui grandit un peu plus chaque jour dans mon ventre…. Je sais qu’elle apprécierait. Beaucoup !
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Lui :
L’entrée d’un caveau… Sorte de guichet d’admission vers l’au-delà.

Quel sujet délicieux pour introduire notre premier texte…
Dans le bonheur d’arpenter les anciens cimetières et leurs merveilles, leurs détails, l’amour et la peine dans un même élan, parsemés ça et là.


Se laisser transporter par la plénitude des lieux, apporter un peu de chaleur à ces êtres déchus qui n’ont peut-être pas su en profiter.
Difficile de ne pas être touché, de ne pas être inspiré par l’amour de la vie et des gens chéris, dans un dernier adieu parfois poignant. Toutes ces fleurs, ces épitaphes…
Pourtant, on ne devrait jamais avoir à se rappeler qu’après le deuil, il reste tous ces gens qui nous entourent dans le quotidien… Sorte d’épreuve qui doit nous remettre les pieds sur une terre bien grasse de tout ce qui était vivant, prenant cycle dans un mouvement perpétuel.
Le mouvement…
Imperceptible, implacable.
La vieillesse, l’usure, contre lesquels nous livrons un combat épique, au lieu de constater que c’est là l’ordre des choses.
Abandonner…
Non pas, faire preuve de faiblesse!
S’abandonner au changement, s’offrir…
Prendre part à ce grandiose défilé cosmique, suivre le flot, se réaliser.
Dans certaines cultures, la mort n’est qu’une nouvelle étape, un changement. Après tout, c’est la seule certitude que nous puissions avoir dès notre naissance!
La langue Française nous apprend que ce qui est funèbre, est par défaut ennuyeux, lugubre, sinistre.
À l’opposé d’un nouveau départ, on s’attarde sur la fin du cycle.
Plus jeune, je me rappelle entendre parler de ces histoires de veillées funèbres ou les convives giguaient, le mort dans son cercueil ouvert, debout, parmi ses amis. Pour une dernière virée d’enfer, à partager les rires et la joie. À célébrer la vie, une dernière fois, en sa compagnie.
Non…
Nous aseptisons la mort. Nous la rendons propre, sans saveur. Nous l’occultons.
Nous la fuyons…
Pourquoi résistons-nous aux changements de la sorte?
Alors que le jeune enfant ne veut jamais se coucher, lutte jusqu’au bout de ses forces pour ne pas sombrer dans le sommeil, pourtant si réparateur, prometteur de journées encore plus excitantes.
Il y a tant à découvrir… Dormir semble une punition qui le prive de se gaver de cette nouvelle vie.
Plus tard, en tant qu’adultes accomplis, après une dure journée de travail, nous ne pensons qu’à aller nous coucher, rompu par la fatigue.


Ou est passé cette soif de vivre? De découvrir?
Elle réapparait parfois, lorsque nous sommes confrontés à la mort, si elle ne nous a pas encore fauchés.
L’homme se bat pour enfermer la vie dans un cadre sécuritaire, comme il a tenté d’enfermer la femme au foyer. Mais la vie évolue, et se charge de faire éclater les restrictions. Elle fait voler en éclats les barrières que l’homme tente de lui imposer.
L’évolution, quel mot! Un concept plus effrayant que n’importe quel charnier.
Pour chaque espèces ayant survécues, combien ont péries, oubliées, absorbées par le mouvement du temps, happées dans son courant.
L’évolution… Nietzche a bien dit que ce qui ne te tue pas te rend plus fort, et Darwin parle de la sélection naturelle. Mais qui donc, parmi ces grands savants, parle de plaisir.
Pourquoi l’évolution serait axée sur le triomphe de la vie sur la mort, sur la souffrance et le labeur?


Assez parlé de philosophie, de grands enjeux…
Versons-nous un verre de vin, une bière fraiche, un verre de lait. Un café, une tisane… Quelque chose d’agréable… Allez! Zou, un effort que diable!!!
Pour écrire ce texte, le seul prétexte doit donc être le plaisir.
Celui de partager, de communiquer… La communion des esprits.
Malgré la fatigue des longues journées de travail et la vie familiale à cinq, l’appel de la plume est le plus fort, l’excitation doit l’emporter.
Une porte qui m’attend.
Est-ce un échappatoire?
Une fuite? Le désir de prendre la porte?
Je ne crois pas. La porte d’un caveau ne mène nulle part…
Ou plutôt si. Vers un autre monde.
Un voyage vers l’inconnu avec vous, celui d’une page à remplir et à commenter.
Pousser, ouvrez cette porte qui vous appelle. Ne vous laissez pas impressionner par sa noirceur, qui ne vise qu’à décourager les simples d’esprit. Poussez, fortement… Elle est fermée depuis si longtemps. Ses lourdes charnières sont coincées dans la rouille.
Entrez… Sentez l’odeur de la terre humide qui s’infiltre dans vos narines.
Mais n’allez pas mourir pour autant, restez avec nous pour partager les prochaines photos…

mercredi 8 septembre 2010

Présentations

Une contraction de « réfléchir » et de « lecteur », aboutissant sur la projection d’une vision, d’une image qui inspire un texte. Ou est-ce le contraire?

Une réflexion du texte vers la lumière, illuminant le voyeur d’un contexte qui ne lui appartient pas.


Au-delà du concept des scopophiles de Freud, ou le voyeurisme est considéré comme une maladie, alors que le photographe en fait carrément son métier, nous avons décidés de devenir échangistes exhibitionnistes, puisque nous nous exposerons par nos textes et nous abandonnerons par les mots et les images.
S’exposer, c’est aussi s’offrir, risquer de souffrir, se révéler… Nous voulions devenir révélateurs, pour faire des images avec des mots, tel les enlumineurs du passé inspirés par les textes sacrés.


La chambre noire n’est plus, et le processus du développement laisse la place pour une narration inspirée, une mise en contexte, une tranche de vie théâtrale, celle du souffleur qui s’éclipse discrètement pour laisser la place à l’acteur, la lumière faite image.
Nous sommes les impuretés lumineuses, le bruit dans l’image… L’imperfection qui rend humain, qui touche le cœur et permet d’aimer.
Nous voulons ce blog comme une ouverture sur notre monde, une lunette lunatique, un hublot, un soupirail. Nous désirons dépasser les clichés à quatre mains et vous faire goûter le fruit d’un amour spirituel et charnel, visant à éprouver le plaisir de voir à deux, partager l’essence de cette obsession; vous donner le tic de l’optique…