mardi 5 octobre 2010

On voit ce qu'on veut (peut)...

Lui :
On voit ce qu’on veut…
Cette journée là, écœuré d’un emploi fade qui ne vise qu’à prendre en défaut, j’étais absorbé à consulter les cartes routières. Le GPS protestait, complètement paumé…
Je traversais un village perdu dans les champs. Le carrefour habité par des bâtiments anciens et colorés d’une autre époque. Un autre temps ou les gens se parlaient, prenant l’air sur leur balcon, se saluant.
Le carrefour était désert.
Un petit snack bar, dont les chaises désordonnées ne retrouveraient probablement jamais leur blancheur d’origine, donnaient à penser que l’endroit pourrait être accueillant, s’il était peuplé.
 J’y croisai une église. D’énormes érables de chaque côté de l’allée, et des sapins, pour adoucir la canicule et baigner les visiteurs d’une ombre rafraichissante.
Je ne sais pas pourquoi je m’y suis arrêté.
Ce besoin de changer le mal de place. De me ressaisir peut-être. Me retrouver, sortir de ma torpeur et de la routine.
Comment choisir lorsqu’on fait face à des choix déchirants qui nous ramènent à notre essence même. Cette impression qu’un mauvais choix puisse faire s’écrouler d’énormes pans de notre existence.
Pourtant, la mort engendre la vie… Elle fait de la place pour ce qui doit naitre et croitre.
On peut s’abrutir dans le travail, mais la réalité nous rattrape toujours.
Au début, elle nous fait une caresse, un murmure… Puis au fil des semaines, selon l’intensité et l’urgence du problème, elle nous bouscule de plus en plus. Elle devient un tourment, jusqu’à nous rendre malade, perdu dans les affres et la peur de quitter l’immobilisme rassurant.
J’imagine que les églises perdues ont aussi cette mission, celle de recueillir les âmes errantes qui s’y égarent…
J’y ai croqué quelques photos… Un peu désabusé sur le moment. À me demander à quoi rimait tout ça.
 Ce n’est que plus tard, que j’ai réalisé la tristesse de mes photos.
Comme si mon âme me montrait ma réalité. Moi, celui qui rit tout le temps. Celui qui dérange avec son rire tonitruant, maintenant silencieux… Comme un village au creux des champs. Déserté.
Il y a cet ange, qui me renvoie à mes devoirs, l’air perplexe.
Qui se demande bien ce que j’attends.
Quand?
Combien de temps?
Alors qu’un simple déclic, une simple décision, un plongeon dans l’action.
Jusqu’à la prochaine crise…
Existentielle ou non.
Un prochain carrefour pour m’amener vers de nouveaux horizons…
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Elle :
Les anges sont tristes.
Du moins celui-ci.
Est-ce un ange d’ailleurs ?
Nul ne le sait.
Il est triste et seul.
Qui le voit ?
Qui remarque la patine du temps sur ses tempes, ses lèvres, ses joues ?
Non pas les amoureux, qui pourtant s’y adossent pour s’embrasser. Ils sont bien trop occupés de faire monter le désir, de faire monter la passion pour remarquer le regard qui les surplombe.
Non pas non plus ce mendiant affamé, assoiffé surtout, qui doit s’appuyer dessus pour arriver tout en haut des escaliers, afin de trouver un peu de chaleur, près des murs de pierres, là bas… Plus loin.
Il ne sait pas si tous les anges sont tristes.
Mais il sait une chose, c’est qu’il est forgé de cette manière.
Il aurait tant voulu être souriant, confiant.
On l’a coulé, triste et pesant.
Il sait qu’on ne peut changer sa nature profonde.
Quoi qu’il arrive, son regard sera pour toujours, du côté du découragement.
Le plaisir, apparemment, ne faisait pas partie des intentions de l’artiste qui l’a imaginé, façonné, travaillé, inventé.
Cet ange est triste.
Tel est son destin.
(Cette photo me touche beaucoup.
Je l’ai reçu par courriel un jour où tous les sentiments éprouvés n’étaient pas une option. Je trouvais tellement intense cette synchronicité entre l’image et mon sentiment intérieur. Comment pouvait-il savoir à ce point comment je me sentais ?
Peut-être n’en savait-il rien au fond. Peut-être était-ce là un hasard, comme la vie sait si bien en mettre sur notre chemin, comme pour nous faire croire qu’il y a un sens, un destin.
Ça, je ne le saurai jamais.)
 

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