dimanche 17 octobre 2010

Bleu

La photo choisie (déclinée en deux façons) n'a pas été choisi pour la qualité technique de celle-ci, mais bien pour la qualité "scénographique" qu'elle a inspirée aux deux auteurs. Ils se promenaient, un matin (une fin de nuit plutôt) d'été, ils s'étaient levés tôt pour attraper le soleil qui se lève. Il ne s'est finalement pas levé ce matin là, les nuages lui ont volé la vedette... Mais ils ont été témoins de cette ville qui s'éveille, ou qui s'endort, selon les personnes, et en sont encore ravis, lorsqu'ils y repensent.
Bonne lecture !

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Lui :

Clown blanc, clown auguste…
Connaissez-vous la  commedia dell’arte ?
Le Capitan, le Polichinelle, Pantalon et les Zannis ?
Les masques…
Le clown blanc, si élégant, digne, autoritaire, qui fait valoir l’auguste, avec son nez rouge et ses souliers trop grands.  
Malgré sa bonne volonté, le clown auguste qui enchaine les accidents et les pitreries.
Son univers  déstabilise le clown blanc, qui le domine.
Celui-ci semonce alors le clown auguste de sa prose étudiée :
"Vous êtes en état d'arrestation pour avoir troublé l’ordre publique, comprenez-vous?  Vous avez le droit de retenir les services d'un avocat sans délai, nous vous fournirons un avocat si vous n'avez pas votre propre avocat. Tout ce que vous dites peut être utilisé en cour comme preuve.  Comprenez-vous? Souhaitez-vous parler à un avocat? "
C’est une invitation à participer à la grande comédie humaine, avec les grands. Monter sur les planches et y jouer sa vie.
Derrière son masque, le clown blanc verse une larme, comme un Pierrot le ferait. Si son rôle n’est pas assez bien joué, il se retrouvera jugé, lui aussi.
De ce fait, le clown blanc se retrouve parfois dans la position du clown Auguste.
Les rôles sont inversés…
La comédie évolue, devient une tragédie.
C’est une pièce cynique, cruelle, avec des histoires d’amours et des revirements à couper le souffle.
Elle se passe tout près de vous, si vous sortez un tant soit peu.
Pas besoin de faire la file pour entrer dans ce théâtre aux allures de palais, pour voir la comédie de la justice.  Le théâtre de rue  est beaucoup plus vivant, plus accessible, voir même, interactif !
Le badaud, le passant, peut s’y retrouver et devenir comédien. 
Découvrir le grand jeu, peut-être y prendre goût, en rester marqué à jamais.
Rire et pleurer, comme spectateur ou acteur. Improviser, ou suivre un scénario bien ficelé.
Être agent libre, ou jouer dans l’échiquier.
Qui gagnera le cœur de Colombine ?
Et à qui Colombine brisera t’elle le cœur ?
Quelle sera votre stupéfaction de réaliser que soudainement, le miroir s’est inversé. Que les comédiens sont devenus spectateurs et vous observent, dans votre propre pièce.
Serez-vous flamboyant ? Arriverez-vous à charmer les critiques, ou ceux-ci vous immoleront-il sur l’autel de la popularité, désintéressés par la banalité soporifique d’une existence normale.
 Sombrerez-vous dans les affres d’un clown auguste, tout juste bon à susciter l’irritation et la colère des clowns blancs.

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Elle :
Toute la semaine, attendre que vendredi arrive. Se lever du lundi au vendredi, tous les matins la même chose, des toasts, un café et la solitude. Tous les jours de la semaine les mêmes gestes banals… Les mêmes routines. Marcher 10 minutes vers le métro, prendre le métro, se sentir seul, malgré les sourires qu’on essaie d’échanger avec les autres. Sortir du métro, acheter le journal, marcher 15 minutes pour rentrer au boulot. Saluer Roger en passant chercher son café et arriver devant la porte du bureau, respirer un grand coup. Se rappeler que ce travail est essentiel à notre survie. Sourire, oui sourire !
Soupirs…
Une fois assis, faire ce que doit, mais attendre. Attendre la pause, attendre l’heure du dîner, attendre la pause encore et enfin… Attendre la fin de la journée. Et sur le chemin du retour, se demander pourquoi attendre au fond. Qu’est-ce qu’on fera de si important, de si intéressant dans la soirée ? Sinon manger un macaroni devant la télé que l’on trouve si fade et sans intérêt. Que fera-t-on de notre vie ce soir ? Si peu, si peu. Il est loin le temps où la croyance de pouvoir changer le monde existait en nous, il est loin le temps où les amitiés fleurissaient dans notre salon, verres de vin à la main et rires à profusion ! Il est parti avec lui, quand il a fait ses bagages, quand il est parti. Ce temps où la vie coulait dans nos veines, ce temps où on avait dédié notre vie à cet homme si grand, si fort, si parfait. Cet homme qui remplissait nos nuits de magie, nos jours de mots d’amour. Tiens… Depuis combien de temps on est comme ça seul et sans but, à attendre que ça passe ? Un, deux… Quatre ans ? Déjà ? On s’enfonce et pourtant personne ne se rend compte. On vit, on respire, on mange, on travaille, on nourrit le chat. On se lave même, on arrive à aimer notre reflet dans le miroir. Mais on s’isole, encore et toujours.
Alors on se repose sur les gestes essentiels à la survie. Manger, dormir, travailler, marcher. On rêve de voyages, de grands départs, on rêve de s’ouvrir enfin à la vie et d’entrer en contact, alors on sourie… Oui on sourie… Mais ce sourire n’arrive pas à illuminer nos yeux. Pas encore. Alors on garde espoir. Hein qu’on garde espoir ?
Soupirs…
Mardi, mercredi, jeudi… Toujours pareils, à peu de choses près… Parfois il fait soleil, parfois il vente, il pleut et parfois même, il fait une chaleur à faire fondre les glaciers…
Mais le vendredi. Oui le vendredi…
L’attente ne sera pas veine. Le vendredi est un soir spécial, c’est le soir où on peut enfin exister vraiment, où on n’est plus seul. Le soir des lumières intenses, le soir où l’air qui entre dans les poumons oxygène le cerveau et le cœur. C’est aussi, très souvent soir de fête sensuelle. Le vendredi, c’est le soir pour nous, où grâce à ce que le beau petit cul nous vend, cette camelote rose ou bleu, ou blanche et où enfin, on ne se souviens plus ni notre nom, ni surtout le sien, le soir où le film de ses pas dans les escaliers ne revient pas nous hanter… Soir où la fête s’empare de nos neurones, soir où les sens en transe, on entre dans la danse, un soir où la peur n’a pas loi sur nos sens, nos désirs, sur qui on est vraiment. Il suffit d’avaler ce truc, d’entrer dans ce club, si branché et de danser. Danser, danser, danser… Danser seul ou ensemble avec les autres, les touchers, les embrasser, les lover… Ne faire qu’un avec la terre, ne faire qu’un avec la musique, la lumière et tous les bras qui frôlent, qui enlassent et toutes les bouches qui rient, qui parlent et qui chantent. Et qui parfois embrassent… Comme on aime embrasser… Comme c’est bon, d’enfin se sentir libre, libre libre !
Soupirs…
Sortir au petit matin, un peu échevelé, beaucoup lessivé.
Sortir au petit matin, regretter un peu de ne pas y arriver sans ce « petit miracle » chimique. Mais savoir si fort, si fort au fond de soi que sans ça. On en crèverait ! Sans ça on n’y arriverait pas. En pleurer de rage, se dire qu’il faut sortir de la torpeur. Mais s’échouer dans notre lit, enfin paisible, dormir jusqu’au dimanche parfois même… Et recommencer le lendemain. Recommencer cette comédie.
Sourire, sourire dans le métro, au boulot, à Roger au café, sourire à notre chat même… Mais être seul, seul et seul encore… Jusqu’au vendredi suivant.
Soupirs…
La semaine sera longue.

2 commentaires:

Hala M* a dit…

Le hasard, s’il existe, fait bien les choses…. Et je trouve mon bonheur à vous lire depuis hier.
Vos plumes sont magnifiques. La simplicité qui se dégage de vos mots….
J’aime

Les réflecteurs a dit…

Elle :
Merci de nous lire, d'autant plus que votre blog me plait beaucoup.
J'aime y découvrir tous vos écrits, vos photos et vos impressions.
Au plaisir de se recroiser dans le cyberespace...
À bientôt je l'espère...