lundi 6 février 2012

Photographes

Elle :
Au départ, je croyais qu’il ne fallait que jouer de l’index pour exprimer avec délices toutes mes visions. Comme une automate sur le pilote automatique, je jouais de mon plaisir sans rechercher plus loin si autre chose de mieux m’y attendait. Je jouais parfois dans la lumière, parfois dans le recoin de l’ombre. Jamais je ne me posais la question des couleurs que devraient avoir les feux d’artifice!
On peut jouir longtemps des mêmes plaisirs, on connait bien le bouton et on sait y jouer!
Pourquoi changer une recette gagnante?
Et…
Au détour d’une conversation, d’un échange et de confidences avec des intimes et/ou des inconnus ayant les mêmes affinités, j’ai découvert tout un pan inexploré, des contrées qui semblaient vouloir exister en moi, dont je ne connaissais pas l’existence ou si peu. Comme je suis curieuse, mais pudique à la fois, comment leur dire que je ne sais pas aller où ils vont déjà?
Que je n’ai jamais osé explorer, moi, la téméraire, moi la prospectrice!
Pour ne pas être en reste, avec précaution, je me suis aventurée dans des avenues moins convenues, mon index s’est fait plus lent, plus pointu… J’ai osé le plaisir qui s’aventure dans des zones moins faciles, plus camouflées.
Cette exploration a parfois été ardue, il a fallu que je sois patiente, que je trouve le chemin dans des espaces parfois flous, c’est à tâtons bien souvent que j’ai avancé vers ces façons de faire. Il aurait fallu que je me documente, que j’écoute les conseils, mais bon, j’aime explorer sur le terrain.
La théorie je veux bien, mais après que j’ai apprivoisé la bête uniquement!
Bien qu’il me reste des avenues, que dis-je… Des autoroutes à découvrir, passer du mode automatique à manuel avec mon Nikon, reste la meilleure décision que j’ai prise. Jouer de la lumière, de la couleur et de l’ISO est un plaisir sans pareil, pour mon index, mon cerveau et ma joie de vivre!
Je décide maintenant seule où je veux aller et de quelle façon je prends mon pied! Et comme le plaisir se prend bien mieux à deux que seule…
J’aime faire de la photo avec lui, qui a un œil si particulier sur la vie qui nous entoure.
Il englobe à lui seul le monde entier, tandis que moi, plus tatillonne, je recherche le détail, la couleur ou la courbe que personne ne voit ou ne remarque. On se complète là, comme ailleurs.
Je faisais de la photo bien avant lui, mais avec lui mon plaisir est plus pointu, plus explorateur… plus festif!
Et je ne veux plus jamais, jamais bouder mes plaisirs!
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Lui :
Les photographes sont des voyeurs.
Ils s’exposent sur le terrain afin d’exposer leur voyeurisme.
Leurs images transpirent leurs jugements.
Ils sont aussi utilisés par les pouvoirs qui dirigent les médias.
Hors contexte, une photo peut détruire la réputation d’une personne, elle peut même l’incriminer.
Sans franchir les frontières vers des contrées exotiques, un déshabillé sexy peut vous arracher la vie. L’honneur se lave avec le sang. La liberté est un crime odieux pour bien des fanatiques.
La volonté de rapporter un événement, un message par la lumière, peut jeter l’ombre sur la raison. La photo devient un instrument de la folie.
Amis voyeurs, je vous en conjure, traquez la beauté et la joie, afin de la répandre et de la développer.  
Révélez ce qui fait rire ou se questionner.
Désarmez la connerie humaine par votre fraicheur. Faites la guerre aux préjugés avec la légèreté du rire d’un enfant.
Combattez la douleur et l’injustice en exposant ce que vous aimez.
Rappelez-vous que le photographe peut-être photographié à son tour. L’arroseur arrosé doit aussi répondre de son ouverture au monde.
Il peut être jugé pour sa vision.
On peut vouloir l’empêcher de voir.
Mais le passionné doit, pour respirer, continuer à regarder.
Il doit exposer son regard pour exister.
Jusqu’au jour où la noirceur devient totale. Même la plus grande ouverture ne peut plus rien révéler. Il est temps de fermer les yeux et de s’assoupir avec ce sourire qui dit…
J’ai vu tout ce que je pouvais vouloir voir.
J’ai vu la joie,
         La beauté,
                   Une vie accomplie.

1 commentaire:

Unknown a dit…

J'aime beaucoup ce texte de nous deux... en fait ces deux textes.
On prend trop de temps entre les écrits... ça finit par me manquer tout ça!