J’ai connu une danseuse de ballet classique.
Musclée.
Racée.
Aérienne.
L’air et le regard vers l’ailleurs, un pied dans notre univers, l’autre avec les chimères.
Ses chaussons de soies la portaient, le tulle la soulevait.
Son âme n’aspirait qu’à être un mouvement gracieux qui ne pouvait venir d’ici bas.
Cette danseuse m’a porté.
Personne ne pouvait se douter qu’en son sein, se trouvait une autre vie.
Et elle dansait…
Comme si sa respiration en dépendait.
Une fuite loin d’ici.
Vers un monde éthérique sans bassesses, pur…
Un monde de sueur et de travail acharné aux airs de brises légères.
Un monde où la colère et le mensonge ne sont qu’un changement de rythme dans l’enchainement des pas et des gestes.
Son ventre a bien fini par grossir. Oh si peu. Mais l’évidence était là.
Il aura fallu 6 mois pour réaliser qu’elle ne dansait plus seule.
Qu’à cela ne tienne, elle continuerait à danser.
Mais être mère vous ramène un ange au sol. Les nuits blanches, les nerfs à vif, les moments de bonheur aussi.
Être mère, c’est être dédié à son enfant comme une ballerine est dédiée à la danse.
Elle y retournera, j’en suis témoin.
Dans ma mémoire, je puise les images, les sons et les odeurs.
Gravés profondément.
Des créatures graciles et majestueuses, s’exécutant dans la douleur et la souffrance, baignées de sueurs, sans jamais de plaindre. Les notes de piano qui murmurent les gestes adéquats, ou martèlent les corps qui se jettent au sol. Les barres et les miroirs, témoins de ce travail acharné et titanesque.
Les corps, brisés, s’élèvent vers l’essence de la pureté, le geste parfait.
Puis la monoparentalité finira par briser le rêve.
Elle devra bien se résoudre à trouver un travail plus payant pour élever son enfant.
Cet instant de plaisir qui est venu briser ses rêves et les remplacer par autre chose.
Bien des années passeront.
Des rires, des pleurs.
La maladie qui lui enlèvera la raison.
Jusqu’au jour où, dans mes bras, je deviens celui qui la porte.
Je la serre sur mon cœur, brisé.
Musclée.
Racée.
Aérienne.
L’air et le regard vers l’ailleurs, un pied dans notre univers, l’autre avec les chimères.
Ses chaussons de soies la portaient, le tulle la soulevait.
Son âme n’aspirait qu’à être un mouvement gracieux qui ne pouvait venir d’ici bas.
Cette danseuse m’a porté.
Personne ne pouvait se douter qu’en son sein, se trouvait une autre vie.
Et elle dansait…
Comme si sa respiration en dépendait.
Une fuite loin d’ici.
Vers un monde éthérique sans bassesses, pur…
Un monde de sueur et de travail acharné aux airs de brises légères.
Un monde où la colère et le mensonge ne sont qu’un changement de rythme dans l’enchainement des pas et des gestes.
Son ventre a bien fini par grossir. Oh si peu. Mais l’évidence était là.
Il aura fallu 6 mois pour réaliser qu’elle ne dansait plus seule.
Qu’à cela ne tienne, elle continuerait à danser.
Mais être mère vous ramène un ange au sol. Les nuits blanches, les nerfs à vif, les moments de bonheur aussi.
Être mère, c’est être dédié à son enfant comme une ballerine est dédiée à la danse.
Elle y retournera, j’en suis témoin.
Dans ma mémoire, je puise les images, les sons et les odeurs.
Gravés profondément.
Des créatures graciles et majestueuses, s’exécutant dans la douleur et la souffrance, baignées de sueurs, sans jamais de plaindre. Les notes de piano qui murmurent les gestes adéquats, ou martèlent les corps qui se jettent au sol. Les barres et les miroirs, témoins de ce travail acharné et titanesque.
Les corps, brisés, s’élèvent vers l’essence de la pureté, le geste parfait.
Puis la monoparentalité finira par briser le rêve.
Elle devra bien se résoudre à trouver un travail plus payant pour élever son enfant.
Cet instant de plaisir qui est venu briser ses rêves et les remplacer par autre chose.
Bien des années passeront.
Des rires, des pleurs.
La maladie qui lui enlèvera la raison.
Jusqu’au jour où, dans mes bras, je deviens celui qui la porte.
Je la serre sur mon cœur, brisé.
Je suis sa mémoire.
____________________________________________________________________________
Elle :
La sueur, les pieds en sang, les orteils croches et la fierté d'y être
enfin!
Danseuse, capable et officiellement professionnelle!
Que de travail, que de larmes, que de vigilance!!
Premiers contrats pour un petit spectacle et contrat plus important
encore : Enseigner la danse et l'amour de celle-ci à des enfants. Faire avec
eux la machine à laver, le papillon qui vole et leur donner l'envie de faire
tous les jours des pointes, pour approcher la perfection...
La perfection en danse ça commence à 4 ans les amies...
Elle n'avait pas eu cette chance, venant d'une famille déchirée et
dysfonctionnelle, elle a dû se battre pour faire accepter ses choix, son goût
pour l'art. Ils n'y ont vu qu'un passe-temps... tant mieux. Ça lui a laissé
tout le loisir de travailler dur sans relâche pour arriver ici, dans ce local rempli
des reflets des miroirs et où elle croit entendre tous les cris d'efforts des
danseurs qui travaillent un pas ou un porté.
La fierté qu'elle ressent!
Elle en est presque étouffée!
C'est une bonne période pour elle, elle s'est affranchie de ses parents,
aime le grand Jules et il l'aime en retour. Ce sont de belles années qui s'en
viennent. Des années où elle pourra perfectionner son art.
"Assez rêvassé" se dit-elle!
Elle se replace devant le miroir, rentre le ventre qu'elle n'a pas, lève
le menton, pratique son sourire qui n'est pas si avenant et respire afin de
commencer à recommencer sans fin les pas de base de la chorégraphie.
On n'entend dans la salle que son souffle et le bruit de ses pointes qui
touchent le sol pour la soulever...
Sans relâche et jusqu'à la tombée du jour elle travaille.
Ça fait mal et ça fait du bien en même temps.
...
Le soir en sortant de sa douche, juste avant d'aller au lit, rejoindre
la peau de son grand Jules, elle regarde son pot de pilules
anticonceptionnelles... Merde... elle ne les a pas prises régulièrement... La
peur au ventre ce soir là, elle n'a pas démontré son affection autrement
qu'avec des baisers...
...
Plusieurs années ont passé depuis cette journée où tout semblait
possible. Elle regarde son garçon dormir sur les manteaux des autres danseuses
du cours et elle réalise que l'an prochain il ira à l'école et qu'elle ne
pourra plus le trimballer comme ça. Elle fait ses dernières pointes en
pleurant. Elle sait à ce moment que c'est terminé pour elle la danse. Elle sait
que malgré le grand cadeau de 4 ans qui dort à poings fermés sur le son du
piano et des pointes, elle sait qu'elle est en train de sceller son plus grand
deuil. Elle ne sait pas encore qu'elle lui en voudra un peu, comme à la vie.
Elle a enlevé ses chaussons de douleurs et en douceur est allé réveiller son
grand : "Allez mon amour, on s'en va à la maison... dis au revoir aux
dames"
Elle est partie vite, a coupé court aux embrassades et a pleuré tout le
long du chemin.
...
L'histoire ne dit pas si elle a cessé de pleurer la danse, mais
l'histoire nous a appris qu'on pouvait d'un œil sourire et de l'autre
pleurer...
Il paraît que de cette pratique des deux sentiments l'a épuisé.
Il paraît qu'elle danse maintenant au ciel, avec sa mère qui lui fait de
la soupe, son frère qui la dessine et sa sœur qui lui parle sans cesse de
sciences et de biologie.
Il paraît qu'elle danse en regardant sa famille et elle pleure encore,
de les avoir manqués à ce point-là.